Explorer où le tourisme autochtone peut vous emmener

Trois chefs de file du tourisme autochtone racontent leur histoire, leur culture et de riches anecdotes

Le tourisme autochtone est en plein essor au Canada. Alors que nous poursuivons la marche vers la vérité et la réconciliation, le secteur du tourisme autochtone donne l’occasion aux Autochtones de faire connaître leurs cultures, leurs expériences et leurs points de vue tout en embrassant de longues carrières épanouissantes.

Au Canada, le secteur du tourisme autochtone connaît une croissance rapide, et il attire des visiteurs du monde entier qui sont désireux d’apprendre grâce à des expériences authentiques et enrichissantes. Leanne, Paul et Les sont trois chefs de file de la communauté qui effectuent un travail incroyable pour raconter leurs histoires et préserver leurs traditions grâce à leur carrière en tourisme.

Se rapprocher de la nature, de la communauté et des racines familiales

Leanne Edenshaw est née et a grandi dans la dynamique ville de Vancouver, mais après la naissance de son fils, elle a décidé de s’installer à Haida Gwaii, la terre natale de sa mère. Cet archipel à couper le souffle, territoire traditionnel de la Nation haïda, abrite des paysages saisissants, une faune unique en son genre et des forêts pluviales luxuriantes le long de la côte de la Colombie-Britannique.

« [Mon fils] est entouré de nature. Il peut apprécier la terre à sa juste valeur et tout ce qu’elle nous procure; il peut aller chasser et pêcher avec ses grands-parents. Ce sont là des choses qu’il ne peut pas faire en ville », explique Leanne.

Après avoir passé de nombreuses années à travailler comme serveuse, Leanne a occupé tout récemment un emploi dans un bureau, mais elle ne s’y sentait pas épanouie. Le contact quotidien avec le public lui manquait. Quand elle est tombée sur une offre d’emploi à temps partiel à Haida House, elle a sauté sur l’occasion. Aujourd’hui, elle y travaille à plein temps en tant que responsable d’étage.

Haida House n’est pas un simple hôtel. Cet établissement écotouristique imposant et paisible offre des cabanes en bord de mer et de pittoresques sentiers de randonnée, sans compter des possibilités d’enseignement et des expériences culturelles immersives. Les visiteurs ont l’occasion de rencontrer des sculpteurs autochtones qui font la démonstration de leur art, et des ambassadeurs culturels offrent des visites guidées pour identifier la faune et la flore de la région, notamment les oiseaux, les plantes et les champignons.

« Les mots me manquent. Je dirais que c’est magique. C’est calme et paisible. Et le rythme n’est pas aussi rapide qu’en ville. Je me sens chez moi ici, et je ne suis pas si pressée de tout faire », déclare Leanne.

Leanne a bénéficié d’une formation qui lui a permis d’approfondir ses compétences en gestion, et elle aime que ses journées se suivent, mais ne se ressemblent pas. Ce qu’elle préfère dans son travail, c’est le contact avec les gens : les clients qui viennent du monde entier, ses sympathiques collègues et la communauté soudée qui lui donne l’impression de former une famille.

« J’adore travailler ici. Jamais je n’aurais imaginé à quel point je suis fière de travailler ici. Les personnes qui viennent visiter les communautés environnantes adorent cet endroit. Je pense que si les gens reviennent, c’est en grande partie parce qu’ils se sentent en famille ici ».

Honorer les recettes familiales et rehausser la cuisine classique

Paul Natrall a de bons souvenirs d’enfance du temps qu’il passait dans la cuisine avec sa grand-mère, à concocter des plats à partir de la viande que son oncle avait chassée. Dans le petit village d’Ustlawn, dans la Nation Squamish, où il a grandi, Paul a occupé plusieurs emplois différents, par exemple, la garde d’enfants, des travaux manuels et un lave-auto, mais il y voyait trop peu de possibilités d’entreprendre une longue carrière enrichissante.

« J’étais jeune quand mon père est décédé. Les modèles masculins étaient donc rares. Je me suis dit : « Ce n’est pas si mal dans la cuisine« . J’ai pu profiter du temps que je passais avec mes grands-mères et créer des plats qui ont vraiment bon goût. Et c’est à partir de là que tout a commencé », explique Paul.

Paul s’est inscrit dans une école de cuisine pour apprendre des techniques culinaires perfectionnées, mais il savait qu’il voulait se concentrer sur la cuisine autochtone. Il a exploré les  méthodes anciennes, comme la cuisson dans le sol à l’aide de pierres chaudes, et il a adoré trouver des façons innovantes de préparer des aliments traditionnels.

Aujourd’hui, il propose une cuisine autochtone rehaussée à un public élargi et il s’attire l’attention du monde entier en tant que propriétaire et exploitant du premier camion-restaurant autochtone à Vancouver, Mr. Bannock. Après avoir été invité à prendre part aux Jeux olympiques culinaires mondiaux en Allemagne en 2012, Paul a commencé à recevoir des offres pour participer à des émissions populaires à la télévision comme Rachel Ray and Cheese : A Love Story sur la chaîne Food Network.

« Je viens d’une réserve et de pouvoir faire ce genre de choses, c’est énorme. Cela dit, pour moi, ça se résume à la nourriture. C’est ce que j’ai appris et c’est ce que je peux créer. Et j’espère que vous l’apprécierez tous », déclare Paul.

Paul savait qu’une carrière culinaire pouvait lui assurer un brillant avenir, mais il ne savait pas à quel point cela lui permettrait de s’émanciper et de trouver sa voix.

« Grâce à l’art culinaire, je peux affirmer : « C’est ma nourriture. C’est ma culture. C’est ce que faisaient mes ancêtres. Et voici comment ils le faisaient. Et voici comment je vais procéder parce que nous sommes en 2023 » ».

Aujourd’hui, Paul encourage ses propres enfants à l’aider dans la cuisine, tout comme il a aidé sa grand-mère il y a des années.

« Je dis à mes enfants : « Vous pouvez participer, vous pouvez observer et apprendre, mais vous n’avez pas besoin de devenir un chef ou un cuisinier. Vous pouvez acquérir des compétences utiles dans la vie de tous les jours, que vous soyez dans la cuisine ou que vous vouliez devenir avocat ou médecin; les gens doivent manger, donc cela peut vous permettre d’aller à l’université. Et en plus, vous pouvez apprendre à vous nourrir vous-même » », explique Paul.

Suivre les traces de ses ancêtres

Les George est un conteur autochtone, un gardien du savoir et un membre de la Nation Tsleil-Waututh. Depuis 25 ans, il travaille comme guide chez Takaya Tours, où il emmène les visiteurs faire des excursions en écotourisme dans le Lower Mainland, à Vancouver. En canoë ou en kayak de mer, il raconte aux participants les légendes, la langue, les traditions, les chants et les enseignements de l’histoire. Ce qu’il aime de son travail, c’est qu’il lui permet de rencontrer des gens du monde entier.

Transmettre ses connaissances tout en parcourant les cours d’eau de son territoire ancestral revêt une importance particulière pour Les. Ses ancêtres ont emprunté les mêmes itinéraires et son emploi chez Takaya Tours renforce son lien avec le monde des esprits.

« Tsleil-Waututh signifie le « peuple du bras de mer ». Je viens de ces eaux. C’est là que se trouve mon cœur. Je dis aux gens qu’il est thérapeutique pour moi de naviguer dans ces eaux », déclare Les.

Il éprouve une grande satisfaction à entendre ses invités répéter la langue qu’il leur enseigne, à les voir se délecter de la beauté de la nature et apprendre avec enthousiasme à pagayer, mais l’impact de son travail va bien au-delà du divertissement. Les est la première génération de sa famille à ne pas avoir fréquenté de pensionnats. Avant lui, sept générations d’ancêtres sont passées par le réseau des pensionnats.

« Tout cela revient à la vérité et à la réconciliation. Et toute vérité qui émerge au sein de nos Premières Nations est un grand pas en avant pour nous ».

Ce que Les préfère de son travail, c’est de mener des excursions en canoë appelées « Tribal Journeys » (expéditions tribales). Avant de descendre à terre, Les joue du tambour et guide les visiteurs à l’aide d’un chant de bienvenue dans son dialecte traditionnel. Les gens qui se trouvent sur le rivage accueillent les pagayeurs en entonnant leur propre chant; c’était là un moyen de communication entre les tribus.

Le rythme puissant du tambour a un effet différent sur chacun de ses invités. Certains ressentent de l’entrain, d’autres en pleurent, et parfois les enfants trouvent cela drôle, mais Les se plaît à enseigner la signification spirituelle de ses traditions. En tant que gardien du savoir, Les soutient que ce qui importe le plus, c’est de dire ce que l’on pense et ce que l’on ressent.

« Je pense que si vous trouvez le bon emploi qui intègre et englobe votre culture, et qui vous permet de la faire connaître à d’autres gens, dans toute la province, dans tout le pays et dans de nombreuses autres nations, vous n’avez même pas l’impression de travailler. Vous avez l’impression que c’est thérapeutique.

Si vous voulez transmettre vos connaissances, le tourisme autochtone vous y mènera ».